Le traité de Marrakech

Résumé du Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées (2013).

Le Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées (ci-après dénommé “Traité de Marrakech”) est le dernier-né des traités internationaux sur le droit d’auteur administrés par l’OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle). Il accorde une place importante à la dimension humanitaire et au développement social, son principal objectif étant de créer un ensemble de limitations et exceptions obligatoires en faveur des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés.

Le Traité de Marrakech impose aux parties contractantes de prévoir une série de limitations et exceptions types relatives au droit d’auteur pour autoriser, d’une part, la reproduction, la distribution et la mise à disposition d’œuvres publiées dans des formats conçus pour être accessibles aux personnes concernées et, d’autre part, l’échange transfrontière des mêmes œuvres entre organisations fournissant des services à ces bénéficiaires.

Le traité précise que les personnes bénéficiaires sont celles qui souffrent d’un handicap les empêchant de lire correctement des textes imprimés. Cette vaste définition englobe les aveugles, les déficients visuels, les personnes ayant des difficultés de lecture ou celles qui sont incapables, en raison d’un handicap physique, de tenir et de manipuler un livre.

Seules les œuvres “sous la forme de texte, de notations ou d’illustrations y relatives, qu’elles soient publiées ou mises d’une autre manière à la disposition du public sur quelque support que ce soit”, y compris les livres sonores, entrent dans le champ d’application du Traité de Marrakech.

Un autre élément important est le rôle joué par les entités autorisées, c’est-à-dire les organisations chargées de procéder aux échanges transfrontières. La définition plutôt générale du terme couvre de nombreux établissements publics et entités à but non lucratif. Ils sont soit expressément autorisés, soit “reconnus” par le gouvernement en tant qu’entités fournissant aux personnes bénéficiaires de nombreux services, notamment en matière d’enseignement et d’accès à l’information. Les entités autorisées sont tenues de définir et de suivre leurs propres pratiques dans plusieurs domaines, par exemple pour établir que les personnes auxquelles s’adressent leurs services sont des personnes bénéficiaires, fournir des services exclusivement à ces personnes, décourager l’utilisation non autorisée d’exemplaires et faire preuve de la diligence requise dans leur gestion des exemplaires d’œuvres.

Doté d’une structure claire, le Traité de Marrakech énonce des règles particulières concernant les limitations et exceptions aux niveaux national et transfrontière.

Premièrement, il prescrit aux Parties contractantes de prévoir une limitation ou exception en faveur des personnes bénéficiaires dans leur législation nationale sur le droit d’auteur. Les droits visés par cette limitation ou exception sont le droit de reproduction, le droit de distribution et le droit de mise à la disposition du public. Les entités autorisées peuvent, à des fins non lucratives, réaliser des exemplaires en format accessible d’une œuvre qui peuvent être distribués par prêt non commercial ou par communication électronique; elles doivent pour ce faire remplir les conditions suivantes: avoir un accès licite à l’œuvre, n’introduire que les changements nécessaires pour rendre l’œuvre accessible, et offrir les exemplaires exclusivement à l’usage des personnes bénéficiaires. Ces personnes peuvent aussi réaliser un exemplaire pour leur usage personnel lorsqu’elles ont un accès licite à un exemplaire en format accessible d’une œuvre. À l’échelon national, les pays peuvent limiter les limitations ou exceptions aux œuvres qui ne peuvent pas être “obtenues […] dans le commerce à des conditions raisonnables pour les personnes bénéficiaires sur le marché”. Tout recours à cette possibilité doit être notifié au Directeur général de l’OMPI.

Deuxièmement, le traité exige des Parties contractantes qu’elles autorisent, dans certaines conditions, l’importation et l’exportation d’exemplaires en format accessible. En ce qui concerne l’importation, lorsqu’un exemplaire en format accessible peut être réalisé conformément à la législation nationale, un exemplaire peut aussi être importé sans l’autorisation du titulaire du droit. Pour ce qui est de l’exportation, les exemplaires en format accessible réalisés en vertu d’une limitation, d’une exception ou d’une autre disposition législative peuvent être distribués ou mis à la disposition d’une personne bénéficiaire ou d’une entité autorisée dans une autre partie contractante par une entité autorisée. Cette limitation ou exception impose que les œuvres soient utilisées exclusivement par les personnes bénéficiaires. Le traité précise en outre que, avant la distribution ou la mise à disposition, l’entité autorisée ne doit pas savoir ni avoir des motifs raisonnables de croire que l’exemplaire en format accessible sera utilisé par des personnes autres que les bénéficiaires.

Le Traité de Marrakech laisse aux Parties contractantes la liberté de mettre en œuvre ses dispositions en fonction de leurs propres système et pratiques juridiques, notamment au moyen d’actes concernant des “pratiques, arrangements ou usages loyaux”, pour autant qu’elles assument leurs obligations au titre du triple critère conformément à d’autres traités. Le triple critère est un principe de base utilisé pour déterminer si une exception ou limitation est admissible aux termes des normes internationales en matière de droit d’auteur et de droits connexes. Il se compose de trois éléments; toute exception ou limitation: i) ne doit s’appliquer qu’à certains cas spéciaux; ii) ne doit pas porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre; et iii) ne doit pas causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit.

Il n’est pas obligatoire d’être partie à un autre traité international sur le droit d’auteur pour adhérer au Traité de Marrakech; l’adhésion est ouverte aux États membres de l’OMPI et à la Communauté européenne. Cependant, les parties contractantes qui reçoivent des exemplaires en format accessible et qui ne sont pas soumises au triple critère en vertu de l’article 9 de la Convention de Berne doivent s’assurer que ces exemplaires ne sont pas redistribués sur des territoires ne relevant pas de leur compétence. De plus, l’échange transfrontière par des entités autorisées n’est admis que si la partie contractante dans laquelle l’exemplaire est réalisé est partie au Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur, ou si elle applique par ailleurs le triple critère aux limitations et exceptions mises en œuvre en vertu du Traité de Marrakech.

Le traité prescrit à l’OMPI de créer un “point d’accès à l’information” pour permettre le partage volontaire d’informations facilitant l’identification des entités autorisées. L’Organisation est aussi invitée à communiquer des informations sur le fonctionnement du traité. Enfin, les Parties contractantes s’engagent à prêter assistance à leurs entités autorisées qui mènent des activités en matière de transfert transfrontière.

Le traité institue une assemblée des parties contractantes dont le principal mandat est de traiter des questions concernant le maintien et le développement du traité. Le Secrétariat de l’OMPI est chargé de s’acquitter des tâches administratives requises par le traité.

Le traité a été adopté le 27 juin 2013 à Marrakech. Il entrera en vigueur lorsque 20 instruments de ratification ou d’adhésion auront été déposés par des parties remplissant les conditions requises.